RUE DES ENFANTS DE TROUPE

Discours de Jacques Massiat (le 27 novembre 2012) devant le monument aux morts de l'Ecole après la détérioration des Steles :


Mesdames, Messieurs, chers camarades, chers amis,
Depuis de nombreuses années, nous assistons à une recrudescence d'actes de détérioration, voire de destruction, de tombes, stèles et autres monuments funéraires. Sont souvent particulièrement visés les cimetières militaires et autres lieux de mémoire.
Il s'agit soit d'actes accomplis par des citoyens, souvent jeunes, en mal d'exploits à la mesure de leur imbécillité, soit d'actes à caractère idéologique ; ne s'en prennent-ils pas parfois à des tombes de soldats musulmans qui ont combattu à nos côtés ? Mais il peut s'agir aussi d'un acte marchand : enlever des objets dont la matière a une certaine valeur sur le marché des voleurs peut être un acte financièrement juteux.
Dans le cas qui nous touche et nous préoccupe, nous ne connaissons pas les motivations de nos voyous. Attendons les résultats de l'enquête de gendarmerie, en espérant qu'elle puisse aboutir.
Mais ne nous faisons pas d'illusion, la sanction ne sera jamais à la hauteur de notre peine.
Ce que notre mémoire a vécu la semaine dernière peut être assimilé, toute proportion gardée, à un viol, viol de notre mémoire, viol de l'honneur de nos anciens qui ont combattu au nom de la France et de la République, pour la défense de notre liberté et de nos valeurs.
Pourquoi s'en prendre à ces monuments qui témoignent du sacrifice de nos prédécesseurs, à ces anciens élèves de l'Ecole militaire préparatoire des Andelys, dont certains ont été nos camarades de classe ? Peut-on imaginer une seule seconde que détruire un lieu de mémoire va effacer cette partie de notre histoire commune, bien qu'elle soit aujourd'hui condamnée ou remise en cause par certains ?

Faisons en sorte que nos anciens ne meurent pas deux fois.
Il y a eu dans l'Histoire de semblables actes : la nouvelle dynastie égyptienne martelait les hiéroglyphes de ses prédécesseurs ; les catholiques romains détruisaient les temples protestants à défaut des protestants eux-mêmes, ces derniers faisant de même avec la même rage ; d'autres encore pensaient éradiquer le judaïsme en brûlant les synagogues avant de brûler leurs occupants ; plus récemment nous avons assisté à la destruction de statues de Bouddha, sans compter les mausolées de saints musulmans détruits par d'autres frères en religion. Plus fanatique que moi, tu meurs ….
Nous pouvions penser que vivant dans un pays dit civilisé, de tels actes ne pouvaient qu'être rares, nous étions bien naïfs, la barbarie n'est pas qu'à nos portes, elle vit au sein de notre société.
Il nous faut donc dépenser encore plus d'énergie que nous l'avons fait jusqu'à présent dans nos actions de transmission de notre mémoire commune auprès des élèves d'aujourd'hui. Mais cela ne sera pas suffisant. Il faut que tous les éducateurs, parents, enseignants oeuvrent ensemble pour que les règles de vie commune soient respectées, pour que notre histoire soit acceptée, telle qu'elle est, et par tous.
Chez nous les larmes ne coulent pas facilement, mais je suis certain qu'elles ont coulé discrètement, furtivement, sur certaines joues.
Un grand merci à vous tous qui avez trouvé un peu de temps pour, avec nous, saluer la mémoire de ces combattants de la République, combattants de la liberté.
Un grand merci à tous ceux qui nous ont fait part de leur colère, de leur chagrin, et qui nous ont adressé des messages de soutien.
Même si le lieu ne se prête pas à ce type d'informations, il faut que vous sachiez, que dans les jours prochains, nous saurons ce qu'il va nous en coûter de remettre nos stèles en place. Ce budget imprévu va s'ajouter à celui déjà envisagé pour terminer la remise en état du carré des élèves de notre Ecole au cimetière du Grand Andely. En confidence, toute aide sera la bienvenue.
En attendant que notre monument ait retrouvé son aspect habituel, déposons notre offrande.
C'est la réponse la plus digne que nous avons imaginée pour mieux répondre à un tel acte.
Observons une minute de silence. Merci à vous tous. Jacques Massiat le 27 novembre 2012.



Les Andelys le 22 septembre 2012
 
Baptême des immeubles de la rue des Enfants de Troupe
 
Discours prononcé par Alain Baudel
Président général de l’association des AET

 Madame le maire, monsieur le conseiller général, monsieur le président du logement familial de l’Eure, mes chers camarades anciens enfants de troupe, mesdames et messieurs,
L’association des élèves et anciens élèves des écoles militaires préparatoires et des anciens enfants de troupe que je préside, a, entre autres missions celle de développer et d’entretenir le souvenir et la mémoire de nos anciens. C’est donc dans ce cadre que notre camarade Jacques Massiat pilote les travaux de mémoire tant sur le plan national que sur le plan local ; travaux qui nous rassemblent aujourd’hui pour une première : le baptême de sept immeubles de la rue des enfants de troupe de la ville des Andelys. Ces immeubles vont désormais porter le nom d’un ancien élève ou ancien professeur de l’école militaire préparatoire des Andelys.

Cette matinée est une étape importante d'une longue histoire commune. En tout cas l'aboutissement d'une longue suite d'évènements qui tous ont contribué et contribuent à l'entretien de notre mémoire partagée.
Depuis la fermeture de notre école des Andelys en 1968, de manière régulière et constante, les anciens élèves et la ville des Andelys ont su se retrouver, afin de maintenir en vie cette longue chaîne du souvenir et ainsi confirmer l'importance de notre école dans l'histoire de la Ville.

Après une réfection intégrale du monument aux morts de l' école, réfection prise en charge par le Conseil général, après les travaux d'aménagement de son site, après les travaux de restauration du carré de l'école militaire au cimetière du Grand Andely, travaux financés pour l'essentiel par les anciens élèves, après la rue des Enfants de Troupe accordée par la municipalité l'an dernier, vient comme un couronnement l'attribution de noms d'anciens de l' école aux 7 bâtiments de cette rue.
Vivons pleinement cette matinée, avec recueillement, reconnaissance mais aussi avec fierté.
Il n'a pas été facile de choisir qui serait retenu pour que son nom soit apposé sur ces immeubles. Tout choix est arbitraire.  Nous avons essayé de retenir des personnalités représentatives des moments importants de notre histoire ; certains ont ouvert les portes d'un autre avenir aux élèves des écoles d'enfants de troupe, d'autres racontent en toute simplicité le rôle qu'ils ont joué dans les moments tragiques de notre histoire, et parfois témoignent du sacrifice ultime qu'ils ont dû consentir pour l'honneur de notre pays, d'autres enfin nous ont accompagnés pour que notre avenir d'homme soit un avenir d'hommes libres.
En tout premier lieu, je tiens à remercier Jacques Massiat qui a piloté ce projet et tous ceux qui l’ont aidé à le mener à bien. Mais que serait ce projet sans son idée originale, le logement familial de l’Eure et la mairie des Andelys. L’idée originale on la doit à monsieur Jacques Furon président du logement familial de l’Eure et il a tout fait pour que ce projet aboutisse : un grand merci à lui.
Merci également à madame Laure Deal, maire des Andelys pour avoir approuvé ce projet et pour son action envers notre association.
Enfin, merci à toutes celles et ceux qui ont répondu « présent » à l'invitation de la Ville des Andelys, du Logement familial de l'Eure et de notre Association.
En particulier :
- Et un grand merci pour les familles Formont, Levergeois et Parrault qui sont venues nous assister dans cette lourde tâche de travail de mémoire, et ainsi exprimer leur gratitude pour le travail accompli par notre institution depuis de nombreuses années.

- Enfin merci aux anciens de cette Ecole militaire qui sont venus cette année encore témoigner de leur attachement à leur Ecole et la Ville des Andelys.
Les textes qui seront lus devant chaque immeuble sont inspirés des documents officiels, des archives de notre association, des articles de presse, en particulier de l'Impartial, et des archives personnelles. Il ne sont nullement exhaustifs quant à la vie des personnalités choisies, ils se veulent simplement indicatifs et ne sont qu'une respiration de l'histoire et du cœur.

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Discours prononcé par Laure Dael
Maire des Andelys
Mesdames, Messieurs, chers amis,
C’est avec un grand plaisir et sous un ciel somme toute clément pour un 22 septembre que je  vous accueille à l’occasion du baptême des 7 immeubles construits entre 2010 et 2011 par le Logement familial de l’Eure, société née en 1958,  et qui, je le rappelle ont été inaugurés le 27 juin 2011.

 Il me faut une nouvelle fois remercier le LFE et en particulier son Président d’avoir investi sur la ville 34 logements dont 12 réservés à nos amis gendarmes pour un coût fiscal total d’environ 6,5 millions d’Euros. Je sais que mon ami et conseiller général Jacques Poletti qui siège pour le Conseil Général au sein de votre conseil d’administration fut d’une aide précieuse pour mener à bien ce projet.
Il ne peut malheureusement pas être parmi nous puisqu’il est retenu au titre de sa charge dans la vallée de l’Andelle. Le Président Destans et lui-même demandent donc qu’on les excuse.
Nous le savions la présence de militaires dans un ensemble cohérent d’immeubles et leur proximité avec les locaux de l’ancienne école militaire, qui n’a pas formé que des militaires de carrière, furent des éléments forts qui prédisposaient presque logiquement à ce que la voie d’accès à cette résidence se nomme la « rue des Enfants de troupe ». Dès lors il devenait normal que les noms de baptême de ces constructions fassent référence à l’existence de l’école toute proche et encore plus légitime qu’elles portent l’identité de quelques uns de ses anciens  élèves.  Dans notre belle ville où le devoir de mémoire n’est pas un vain mot et intéresse toutes les tranches d’âges de la population grâce au travail conjugué des associations patriotiques, des élus de la ville et des enseignants, c’est avec fierté et une réelle solennité que cette manifestation peut se dérouler maintenant sous nos regards émus. « Longtemps après que nos ainés aient disparus », si vous me permettez ce léger plagia d’une célèbre chanson de Charles Trenet, « leurs souvenirs courent encore dans les rues » et c’est très bien. C’est en effet exemplaire pour toutes les générations  de démontrer que nos prédécesseurs ont accédé à diverses formes de notoriété par leur travail, la constance de leurs positions et la cohérence de leurs actions. Cette reconnaissance est d’abord tournée vers eux-mêmes et leurs proches mais ne nous y trompons pas elle rejaillit  aussi sur tous ceux qui perméables aux transmissions historiques s’en nourrissent s’en inspirent et s’y référent comme nous guide un phare dans l’obscurité. Nous l’avons bien entendu, c’est le travail réalisé sans flagornerie au profit de l’intérêt général qui laisse le plus de traces à travers les années et non les petites préoccupations personnelles et mesquines que l’on constate et regrette trop souvent. Combien de fois avons-nous constaté des présences improbables et des absences regrettables ?  Aujourd’hui et dans ce quartier nous n’habiterons pas dans l’immeuble « Fauvette » ou « Tourmalet » ou « coquelicot» mais dans des bâtiments portant le nom de famille d’hommes de bien. Merci encore aux familles d’avoir largement contribué à cette démarche innovante  mais au fond la commune des Andelys ne conjugue t’elle pas avec bonheur et réussite tradition et innovation ? Merci à tous et à toutes et place aux baptêmes.

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Immeuble n° 20 : GERARD TURPAULT    
                                                                             
30 novembre 1913 à l’Ecole militaire préparatoire des Andelys. La compagnie à laquelle appartient l’élève Gérard Turpault, vient de rejoindre la salle d’études. A peine chacun a-t-il rejoint son banc que la porte s’ouvre : entrée du Cdt DESPLATS « A vos rangs – fixe ».
« TURPAULT tu pars pour La Flèche !
- Bien, mon Commandant.
- Tout de suite !
- Bien, mon Commandant.
- Suis-moi ! »
Il l’entraîne dans son bureau où il lui fait de longues recommandations et conclut : « De toi dépend l’avenir des Enfants de Troupe. Si tu réussis, d’autres suivront ; si tu échoues… »

Peu après, sur l’ordre du Cdt, une sonnerie de clairon appelle au rassemblement l’Ecole entière ; les classes se vident et les élèves vont se ranger dans la cour où les rejoignent les professeurs et les officiers de service et, pour bien souligner l’importance de l’évènement, le drapeau et la musique de l’Ecole.
Le commandant Desplats, à cheval, fait avancer notre ami et expose devant toute l’Ecole, formée en carré, dans quelles conditions celui-ci quitte l’E.M.P. des Andelys pour entrer au Prytanée ; puis il l’exhorte à se montrer digne de la confiance placée en lui.
Un quart d’heure plus tard, Turpault quitte l’Ecole pour le Prytanée.
C’est le début d’une longue histoire individuelle et collective.
Entré dans notre école en 1911, Turpault a bénéficié d’une décision prise en 1912 par l’Inspecteur Général Rouvier ainsi libellée :  « les meilleurs élèves des Ecoles Militaires Préparatoires seront envoyés en subsistance au Prytanée Militaire, à la Flèche, où ils pourront préparer les Ecoles Militaires de Saint-Cyr et de Polytechnique, et même d’autres grandes Ecoles. »

Certes, ils porteront le titre d’élève-tambour, mais pour eux un autre avenir se dessine un autre destin se profile.
Pour notre grand ancien l’avenir ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
« Turpault, vous ne serez jamais reçu au brevet élémentaire : vous avez une trop mauvaise écriture ! » lui assène son professeur de français.
Gérard Turpault sera, dès la première année, major de promotion et le restera ce jusqu’à la fin de sa scolarité à La Flèche, obtenant chaque année le Prix Excellence.
Engagée en 1917, sous-lieutenant à 19 ans, il termine la Grande Guerre comme officier d’aviation.

Sans entrer dans la détail de sa carrière professionnelle, on peut rappeler que par décret du 19 juillet 1947, il est nommé Directeur de la Justice militaire et de la Gendarmerie qui deviendra le 13 janvier 1950, Direction de la gendarmerie et de la Justice Militaire.
Le 1er septembre 1956, il rejoint l’administration de la Justice. En décembre 1956, il est nommé Conseiller à la Cour de Cassation et Directeur honoraire au Ministère de la défense et des forces armées. Il est admis à la retraite le 14 mars 1968 et nommé conseiller honoraire à la Cour de Cassation.  A la fin du mois de juin 1960, il préside la cérémonie des pris de notre école. Son discours sur la parole marquera fortement les esprits.
 Voilà le destin d’un fils de gendarme envoyé à La Flèche avec sa mauvaise écriture.
Gérard Turpault décède le 22 décembre 1988.
Il est titulaire de trois citations à l’ordre de la Division en 1917 et 1918, inscrit au tableau spécial de la Légion d’Honneur en 1920, Grand Officier en 1945, Commandeur en 1952, Croix de Guerre, Croix du combattant volontaire, Bronze Star Medal en 1945.
Il a aussi été le pionnier d’une belle aventure collective, celle de tous les enfants de troupe qui après lui et grâce à lui ont pris le chemin du Prytanée de la Flèche. La plupart ont vu leurs noms inscrits sur les pages de notre Histoire – qu’il en soit remercié. Ton nom Gérard TURPAULT devait être gravé au fronton de ce bâtiment.
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Immeuble n° 22 : PIERRE LEVERGEOIS  
  
29 septembre 1934 : Pierre Levergeois franchit pour la première fois les portes de l'Ecole militaire préparatoire des Andelys. Il réalise enfin son rêve : être Enfant de Troupe.
Septembre 1939, c'est à nouveau la guerre. Les enfants de troupe comme leurs aînés de 14 se trouvent entraînés dans une folle et tragique aventure. Pierre, présent à l'Ecole militaire préparatoire d'Autun depuis la rentrée de 1937, contracte un engagement de cinq ans. Il intègre un peloton d'artillerie.

Juin 1940, l'armée allemande déferle sur la France vaincue. Le 16 juin, les Allemands sont aux portes d'Autun. L'adjudant Grangeret, originaire d'Alsace, un réserviste un peu bedonnant, dénommé « Le Lion » prend le commandement d'un groupe d'une trentaine d'élèves. Ils vont se battre avec courage. Excellents cavaliers, ils tentent de s'opposer à l'avancée allemande. Au cours d'une embuscade organisée à Toulon-sur-Arroux, ils mettent hors de combat plus d'une dizaine de soldats ennemis.

Victoire de courte durée, ils ne font pas le poids. Ils réussissent à échapper à leurs poursuivants en rejoignant l'Auvergne à cheval. Pierre est l'un d'eux. Juin 1941, Pierre rejoint l'Afrique du Nord et le 65éme Régiment d'artillerie de montagne stationné à Aumale, près d'Alger.

Après le débarquement allié de novembre 1942 il gagne le front de Tunisie avec son unité comme chef de pièce. Fait prisonnier le 22 janvier 1943, il est transporté en Italie, puis libéré en mars 1943.
De retour en France, il s'engage dans la résistance locale et participe avec le groupe "Libération-Vengeance" à la libération d'Evreux. A la Libération, il entre dans la Police. Il fait toute sa carrière à la D.S.T. où il est chargé de lutter contre les ingérences de l'Union Soviétique. Nous sommes en pleine guerre froide. Mais Pierre est aussi un écrivain auteur de nombreux ouvrages dont : Les Fils du Lion, J'ai choisi la DST, les oubliés de la Taïga, Un rital qui bouffait not'pain, Un vieil air du Pays, etc... Sans oublier « La complainte des soldats morts », émouvant poème écrit afin d'honorer la mémoire de tous les soldats morts pour la France au cours des conflits de la seconde moitié du vingtième siècle.

Ses décorations et récompenses témoignent de la qualité de son engagement, de son courage tranquille et somme toute discret :  Médaillé militaire, chevalier dans l'ordre national du mérite, croix de guerre 39-45 avec étoile d'argent, médaille du combattant volontaire ; il a reçu le Prix Raymond Poincaré et le Prix des écrivains combattants.
Il nous  quitte le 3 décembre 2010.
C'est pour honorer son passé de combattant et son travail d'écrivain que nous avons tenu à ce que le nom de Pierre Levergeois soit apposé sur cet immeuble.
Et nous sommes très reconnaissant à son épouse et ses deux fils d'être aujourd'hui avec nous pour honorer l'époux, le père et notre ancien.
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Immeuble n° 24 : YVON BERNARD   
                                                             
Juin 1944. Le Camp de Thol, camp des Enfants de Troupe de l'Ecole militaire préparatoire d'Autun.
46 élèves et 9 cadres militaires et enseignants répondant à la devise de leur Ecole « Pour la Patrie toujours présents » participent activement aux combats des maquis de l'Ain. Parmi eux, Yvon Bernard qui a intégré l'Ecole militaire préparatoire des Andelys en 1938 et rejoint celle d'Autun en 1941. 1er septembre 1944. Un groupe de FFI, comprenant nos camarades du Camp de Thol, en liaison avec des unités américaines, est en action devant une position allemande à La Valbonne. Un agent de liaison donne l'ordre de se mettre à couvert. Son geste est interprété comme un ordre de repli. Erreur tragique.  Des chars allemands cachés près des maquisards tirent à vue directe.  11 corps explosent. Parmi eux Yvon Bernard. Il avait 20 ans.
Le lendemain, 2 septembre, la Première Armée Française arrive. La poche de résistance allemande a vécu. A un jour près ... Yvon reçoit la Croix de guerre avec étoile d'argent. Il est cité à l'ordre de la Division.
Quelques jours auparavant il avait écrit à ses parents : « Quand vous recevrez cette lettre, je ne serai plus ici.... J'ai résolu de prendre le maquis. ... Enfin le moment d'agir est venu. Je fais ce que je crois être mon devoir.... Ce devoir je le ferai jusqu'au bout, quoiqu'il en coûte. … Je pars avec le sentiment profond de faire ce que je dois, de faire ce que me commande le glorieux passé de papa et l'idée de patrie qui me pénètre au plus profond de moi-même. …. La tâche est ardue. S'il faut un grand sacrifice, je le fais. … »
Ce grand sacrifice tu l'as fait. Qu'aurions-nous fait à ta place ?
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Immeuble n° 26  : GEORGES ALLENIC                                                                       
Mai 1954, quelque part dans la jungle vietnamienne entre Diên Biên Phu et la frontière chinoise.
Près d'un ruisseau repose la dépouille de Georges Allenic inhumé là par ses camarades du convoi numéro 42.
Georges est entré en 1943 à l'Ecole militaire préparatoire des Andelys repliée à Béziers. Comme la plupart de ses camarades, il intègre Autun en 1948. La seconde guerre mondiale est terminée, mais la France est engagée dans une autre guerre, lointaine, oubliée par beaucoup et condamnée par certains, celle d'Indochine. En 1949, il contracte un engagement de 5 ans et est affecté au 2ème bataillon de marche du 1er régiment de tirailleurs algériens. Il rejoint son affectation le 9 avril 1952. e 15 décembre 1953 il relève le 1er B.P.C. à Diên Biên Phu. Il est sergent.
Le 7 mai, le camp retranché succombe sous les vagues d'assaut du Viêt-minh. Profitant de la cohue, il s'évade. Il tente de rejoindre le Laos à pied, dans la jungle détrempée, sans nourriture.
Il est repris par une patrouille Viêt-mihn et est ramené à Diên Biên Phu. Il part vers la frontière chinoise dans le convoi N° 42.
Le 20 juillet 1954, comme tant d'autres, il meurt d'épuisement. Il repose à jamais dans cette terre gorgée d'eau que tant de soldats des armées françaises avaient appris à aime ... Ses décorations : médaille militaire, Croix de guerre des T.O.E. avec palme, étoile d'argent, étoile de bronze, médaille commémorative de la guerre d'Indochine, médaille coloniale avec agrafe Extrème Orient.
Il a été l'un des nôtres, qu'il repose en paix.
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Immeuble n° 28 : RAYMOND MICHEL
 
Ancien élève de l'Ecole militaire préparatoire des Andelys où il est entré en 1934, il rejoint Autun en 1937, puis le Prytanée de La Flèche en 1939, et enfin Saint Cyr la même année, promotion « Veille au drapeau ». Il participe à toutes les guerres menées par la République Française après la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement en Extrême Orient et en Afrique du Nord.
Ses nombreuses décorations attestent de ses qualités professionnelles et de son courage :
Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre des TOE, Théâtre d'Opérations Extérieures, avec palme, 2 étoiles d'argent et étoile de bronze, Croix de la Valeur militaire avec palme et étoile d'argent, Médaille coloniale avec agraphe « Extrême Orient », Médaille commémorative de la campagne d'Indochine, Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en AFN avec agraphe « Algérie », Chevalier du « Million d'Eléphants et du Parasol Blanc » du Laos, Chevalier de «  L'Ordre du Mérite Civique » du Laos.
Algérie 1962. le commandant Lemichel sert au 8ème Zouave.
Le cessez le feu a été officiellement déclaré le 19 mars. Les armées françaises restent l'arme au pied. Leur repli vers la métropole commence. 
8 juin 1962, le commandant Lemichel effectue une mission de liaison entre Oran et Telagh.
Il n'arrivera jamais à Telagh.
Après enquête, il s'avère qu'il a été enlevé par des éléments du FLN et qu'il a subit le sort peu enviable des soldats français et des européens d'Algérie portés disparus après le 19 mars. 
Torturés, assassinés, leurs corps n'ont jamais été retrouvés.
Raymond Lemichel repose quelque part sur cette terre qu'il a lui aussi tant aimée.

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Immeuble n° 30 : ROGER FORMONT
       
1944. Depuis le 6 juin, les forces alliées débarquées en Normandie progressent sur le territoire français, le libérant peu à peu, et s'approchent de Paris qui sera libéré le 17 août.
Le 15 août, c'est le jour du débarquement en Provence.
Le 15 août c'est aussi le jour ou les Allemands forment le dernier convoi massif de déportés à destination du Reich et de ses camps. Plus de 2200 personnes, soit 546 femmes et 1654 hommes. Pour la plupart des résistants mais aussi 168 aviateurs alliés. Parmi eux notre camarade Roger Formont, ancien élève de notre Ecole en 1937.
Employé aux Eaux et Forêts dans la forêt domaniale d'Orléans, il a été arrêté par les Allemands en représailles d'une embuscade au cours de laquelle un grand nombre de soldats du Reich ont été tués. Otage pris par hasard, résistant lui-même, nul ne le sait.
A la fin de la guerre le bilan des pertes de ce convoi sera très lourd : 903 décédés en déportation, 143 disparus, 302 en situation inconnue, des étrangers principalement.
Pourtant beaucoup est fait pour entraver le déplacement de ce convoi :
Le 10 août grève insurrectionnelle des cheminots parisiens pour retarder le départ du convoi prévu le 12, dans la nuit du 12 au 13, destruction des installations ferroviaires de la gare de l'Est.
Qu'à cela ne tienne, le convoi partira de Pantin.
Le 15 les wagons plombés se referme sur leurs occupants. Auparavant la Croix Rouge a quand même réussi à faire libérer 30 personnes, des malades et des femmes enceintes. Le pont sur Marne à hauteur de Nanteuil-Saacy ayant été détruit le 8 par les Alliés, les déportés rejoignent un autre train à pied. Les SS en profite pour exécuter quelques déportés en représailles aux évasions tentées et parfois réussies. Le convoi continue inexorablement sa route en se défiant des obstacles qu'il rencontre.
Le 19 il est à Weimar. Le 20 août les hommes rejoignent le camp de Buchenwald. Constitués en kommando, 750 d'entre eux rejoignent le camp de DORA (Deutsche Organisation Reich Arbeit) et 560 sont envoyés à Ellrich. C'est l'un des pires endroits, proche de l'Enfer, si non l'Enfer lui-même.
Les Allemands font réaliser par des détenus une installation souterraine pour y abriter leur industrie aéronautique. Les conditions de travail sont terriblement inhumaines, taux de mortalité : 82%. Quotidiennement des camions déchargent des cadavres près du four crématoire qui fonctionnera jusqu'à la fin de la guerre. 
Le 28 décembre 1944, Roger est compté parmi les victimes de cette barbarie.
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Immeuble n° 32 : EDGARD PARRAULT 
 
Finissons cette cérémonie sur une note moins tragique.
Certains se sont posé la question : pourquoi un ancien professeur de l'Ecole militaire préparatoire serait-il choisi pour figurer sur une plaque d'un immeuble de la rue des Enfants de Troupe ?
C'était une bonne question.
Voici  nos raisons:
Les 6 premiers anciens élèves dont les noms ont été retenus et appelés, sont des témoins de notre histoire, celle de notre Ecole, celle de l'Institution des Enfants de Troupe.
Les 4 derniers appelés sont, comme vous l'avez bien compris, les témoins des moments tragiques que nos aînés ont vécus, comme acteurs et victimes.
Mais eux et beaucoup d'autres ne se sont-ils pas comportés ainsi justement parce qu’ils ont bénéficié d'un environnement humain qui a développé chez eux le sens du devoir, de la responsabilité ?
Et qui nous a permis de regarder le monde au-delà des murs de notre internat ?
La réponse est évidente : le corps enseignant et les cadres militaires, du moins la plupart d'entre eux.
Enfin il convenait de symboliser les liens affectifs qui ont toujours existé entre l'Ecole et la Ville des Andelys. Pour cela, Monsieur Edgard Parrault nous a paru le mieux à même de répondre à notre projet. Ce professeur de dessin qui a tenté pendant plus de 20 ans de nous faire découvrir les bienfaits de l'art pictural, et ce en dépit de notre comportement souvent facétieux, a beaucoup donné à l'Ecole militaire.

Il est le créateur de l'insigne le « Drakkar »  de l'Ecole militaire devenue Ecole d'éducation de par la volonté des occupants allemands; il a suivi ses élèves lors de l'émigration forcée de l'Ecole à Béziers ; il a été l'architecte de la reconstruction de notre salle des fêtes détruite lors des bombardements de juin 1940 ; il a toujours aidé les élèves à la réalisation des divers décors créés à l'occasion des fêtes de fin d'année ... Reconnu par ses pairs comme un grand pédagogue, il a reçu les palmes d'officier d'académie et de l'instruction publique.
En novembre 1950, il reçoit la croix de la légion d'honneur.
Le commandant Frédet, commandant l'Ecole militaire, salua à cette occasion les 20 ans de son dévouement inlassable envers les enfants de troupe, mais aussi des services exceptionnels rendus.
Quant à son action dans la vie locale andelysienne faut-il rappeler les nombreuses expositions de peintures auxquelles il a participé, comme organisateur et exposant, la réalisation d'un dépliant touristique sur la ville des Andelys à la demande du Syndicat d'initiative ?
Certes d'autres enseignants et cadres mériteraient d'être retenus, l'avenir nous le permettra peut-être un jour … Pour terminer je voudrais dire que ce professeur que certains d'entre nous ont connu vient de nous faire post mortem un cadeau. Ses descendants nous remettent aujourd'hui un tableau peint par lui, il représente un enfant de troupe bien évidemment.
Merci Monsieur Parrault.